Bible du Semeur – note de traduction : Résurrection et ressusciter
- Sylvain Romerowski
- 7 Septembre 2020
Là où d’autres versions françaises traduisent certaines expressions grecques par « ressusciter d’entre les morts », « résurrection d’entre les morts » ou « résurrection des morts », la BS 2015 a généralement opté pour les traductions plus simples « ressusciter » et « résurrection » sans les compléments. En voici la raison.
Le grec ne disposait pas de nom ni de verbe ayant le sens des mots français « ressusciter » et « résurrection », ce qui peut s’expliquer du fait que l’idée d’une résurrection du corps était étrangère à la pensée hellénistique. Ainsi, pour parler de résurrection, le Nouveau Testament emploie les verbes anistèmi qui peut signifier « faire se lever » « se lever », « s’élever », « surgir », « susciter » et égeirô qui signifie « faire lever », « réveiller », « se lever » ou « se réveiller », ainsi que le substantif anastasis qui peut désigner l’action d’élever ou de se lever. Aucun de ces termes ne communique l’idée de résurrection à lui tout seul, d’où la nécessité de leur adjoindre des compléments. Ainsi les expressions grecques signifient, très littéralement : « faire lever d’entre les morts » ou « réveiller d’entre les morts », ou encore « se lever d’entre les morts » ou « se réveiller d’entre les morts ». Et avec le nom anastasis, « le lever des morts » ou le lever « d’entres les morts ».
Puisque le français dispose des termes « ressusciter » et « résurrection », les compléments qu’on ajoute aux verbes et au substantif en grec sont inutiles dans la traduction française. Les termes français rendent exactement le sens des expressions ci-dessus.
On remarquera d’ailleurs qu’une traduction comme « ressusciter d’entre les morts » n’est pas une traduction réellement littérale : les traductions littérales sont celles que nous avons indiquées ci-dessus.
Cependant, le fait que le grec dispose de deux types de compléments ne permet-il pas une différence de sens entre « résurrection d’entre les morts » et « résurrection des morts », la première expression signifiant qu’une partie des morts seulement ressuscite à un moment donné, la seconde que tous les autres défunts ressuscitent dans un second temps ? Une telle distinction est parfois alléguée à l’appui de l’idée qu’il y aurait deux résurrections distinctes dans le temps.
Plusieurs considérations sont ici à prendre en compte.
Avec les verbes, la distinction ci-dessus ne peut pas intervenir parce qu’on n’a pas le choix entre deux formules. Seule la formule « d’entre les morts » est possible. Par conséquent, ces compléments servent à préciser le sens des verbes en celui de « ressusciter », et non pas à indiquer que seule une partie des défunts ressuscite. Par analogie, le Nouveau Testament emploie le plus souvent la formule « d’entre les morts » avec le nom anastasis aussi, sans que cela implique qu’une partie des morts seulement ressuscite. L’autre formule peut d’ailleurs être vue comme un simple raccourci de la première : « d’entre les morts » se dit ek tôn nekrôn et « des morts » se dit simplement tôn nekrôn.
La formule « résurrection des morts » est employée en Romains 1.4 à propos de Jésus. Or si la distinction ci-dessus était valable, on devrait avoir « résurrection d’entre les morts » puisque Jésus était le seul à ressusciter à ce moment-là !
Les textes parallèles suivants montrent que les formules sont interchangeables, sans différence de sens : Matthieu utilise l’expression « avna,stasij des morts » là où Marc emploie « avni,sthmi d’entre les morts » et Luc « avna,stasij d’entre les morts » (Mt 22.31 ; Mc 12.25 ; Lc 20.35).
En conclusion, il n’y a aucune raison de conserver les compléments « d’entre les morts » et « des morts » avec les termes « ressusciter » et « résurrection » dans une traduction qui vise à rendre le sens de l’original tel qu’on l’exprime dans la langue française.