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Entretien avec Éric Denimal – La Trilogie : Abraham, Isaac et Jacob

Marcel Dijkman
  • Marcel Dijkman
  • 21 Mars 2025
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Dans cette interview, nous avons le plaisir de recevoir Éric Denimal, passionné d’histoire et de récits bibliques, qui s’est lancé dans un projet d’envergure : une trilogie, romanesque dans son style d’écriture, consacrée aux grandes figures des patriarches — Abraham, Isaac et Jacob.

À travers ces livres, dont deux sont encore à paraître, Éric Denimal nous plonge au cœur des origines d’un peuple et d’une foi, en donnant chair et voix à ces personnages souvent réduits à des noms ou à des symboles. Un travail d’écriture ambitieux, entre fidélité au récit biblique et exploration des émotions humaines universelles.

Il nous raconte ici les coulisses de cette aventure littéraire et spirituelle.

1. Pour commencer, pourriez-vous vous présenter et nous dire ce qui vous a conduit à l’écriture de cette trilogie consacrée à Abraham, Isaac et Jacob ?

Depuis toujours, j’aime raconter la Bible et mon souci premier est de la faire aimer. Dans « raconter » il y a « conter » et c’est l’envie qui me titillait depuis longtemps : mettre en scène de vastes épopées de l’Ancien Testament pour faire revivre une saga familiale. J’ai été un grand lecteur de Christian Jacq qui a fait vivre les dynasties pharaoniques, et je suis un fan de Ken Follett qui fait de l’History de la story. Or, la Bible n’est faite, elle aussi, que d’histoires humaines. Les Éditions Bibli’o ont été séduites par mon envie et voilà… Tout naturellement, commencer avec Abraham m’a semblé une idée à suivre. Et Abraham n’est pas facile à suivre…

2. Aborder ces grandes figures bibliques sous forme de « romans historiques » est un défi. Quelle a été votre démarche : viser la fidélité au texte ou explorer librement la part humaine et intime de ces personnages ?

Ce sont exactement les deux pistes suivies. Je veux rester très proche du texte biblique et ne pas inventer pour inventer. Mais la Bible relate la vie d’Abraham (qui a vécu 175 ans) en quelques chapitres, avec parfois 40 ans entre un épisode relaté et un autre. Comment combler les vides ? Et surtout, comment imaginer la façon dont le patriarche a vécu chaque expérience ? Comment en a-t-il parlé avec ses proches qu’il a embarqué avec lui ? Et que dire des tensions entre Abraham et Sarah ? Ce qui me passionne, c’est de faire vivre ces interrogations, ces angoisses, ces tâtonnements, ces erreurs et ces traits de génie. J’ai ainsi privilégié des dialogues entre les époux, ou entre Abraham et son fidèle serviteur, complice de bien des épisodes. Sans oublier les rapports souvent énigmatiques entre un Abraham croyant, et un Dieu qui reste insaisissable.

3. On connaît souvent Abraham, Isaac et Jacob comme des « héros de la foi », mais derrière ces figures se cachent des hommes avec leurs failles, leurs doutes et leurs contradictions. Comment avez-vous travaillé cette dimension humaine dans vos romans ?

J’avoue que faire exister ces personnages, les obliger à se rencontrer, à s’expliquer entre eux, m’a conduit à de multiples réflexions, avec parfois plusieurs scénarios possibles pour choisir celui qui sera le plus cohérent avec l’époque. Sans perdre de vue ce que la Bible tente d’enseigner au travers de ces péripéties. J’ai osé être curieux et être dérangé. Parfois je me suis inspiré des midrashim et des commentaires juifs ou chrétiens. J’ai fouillé dans des dictionnaires bibliques, des ouvrages d’archéologie. J’ai joué avec les sentiments que pouvaient avoir les personnages, même discrets ou secondaires du récit. Alors oui, les patriarches étaient des hommes de foi, mais Dieu ne s’était pas encore beaucoup révélé à eux. Même son nom ne devient précis qu’avec Moïse, personnage lointain et encore à venir. Donc, on jongle avec les incertitudes, les apprentissages, les hésitations de ces héros, en évitant les anachronismes, mais en leur faisant confiance.

4. Au fil de l’écriture, lequel de ces trois patriarches vous a le plus touché personnellement, ou surpris par la richesse de son parcours ?

J’ai de l’affection pour Isaac parce qu’il est coincé entre son père et son fils, entre le grand Abraham et l’incontournable Jacob. Difficile d’avoir sa place entre de tels personnages. Si dans le premier opus, je raconte le sacrifice (la ligature) d’Isaac avec les mots d’Abraham, dans le deuxième, je raconte le même épisode vu et ressenti par Isaac. Cela donne une double dimension au même événement, et la vie de chacun de ceux qui le vivent n’est plus la même après. S’arrêter sur la vie d’Isaac permet aussi de mieux comprendre les deux autres. Et puis, il faut changer le regard. Quand on mesure qu’Isaac n’était ni un enfant ni un adolescent, au moment où son père veut l’offrir en holocauste, mais qu’il avait près de 34 ans, l’image et l’imagination ne sont plus les mêmes !

5. L’histoire de ces familles est marquée par les tensions, les rivalités, les réconciliations… Qu’avez-vous voulu dire à travers cette fresque familiale ? En quoi ces récits millénaires résonnent-ils encore avec nos histoires familiales d’aujourd’hui ?

C’est là un secret unique de la Bible : faire comprendre Dieu au travers non de textes religieux, de dogmes ou de principes ritualisés, mais au travers d’aventures humaines. Vous connaissez « Amour, gloire et beauté » C’est le quotidien de l’humanité, or la Bible qui est réaliste ajoute « jalousie, trahison, argent, pouvoir, larmes, sang, et rire » Les époques et les décors changent, mais le cœur de l’homme demeure le même, de siècle en siècle. On parle de progrès, mais c’est un leurre. Ce qui anime l’homme demeure de toute éternité. Voilà pourquoi rien de nouveau sous le soleil. Et la vérité, si elle est vraie, l’est depuis toujours et pour toujours.

6. Les femmes comme Sara, Rébecca, Léa ou Rachel jouent un rôle essentiel, bien que souvent en retrait dans le récit biblique. Comment avez-vous choisi de les mettre en lumière dans votre trilogie ?

Ces femmes sont des matriarches dont la personnalité est toujours forte. Sarah est un vrai vis-à-vis d’Abraham, et même, sa parole est parfois plus juste que celle de son mari. D’ailleurs, Dieu dit, un jour à Abraham : « Écoute ta femme ! elle a raison ! » Une des surprises dans ces récits de la Genèse, c’est de constater que la première personne qui accepte de donner sa vie pour qu’un autre vive – le principe de substitution qui sera l’essence même de l’Évangile – c’est Sarah, au bénéfice d’Abraham. Ce qui est extraordinaire, dans la vie de ces trois patriarches, c’est qu’ils ont des femmes à priori stériles, mais capables d’engendrer, en définitive, plus que des enfants. Il y a, chez elles, des fécondités insoupçonnées et c’est souvent elles qui façonnent le devenir de leurs maris. Sur ce point encore, j’ai privilégié les dialogues intimes de ces couples ; ce qui provoque parfois de vraies tensions, mais aussi des révélations.

7. Vous êtes-vous appuyé sur des recherches historiques, archéologiques ou culturelles pour recréer le cadre de ces récits ? Quelles découvertes vous ont marqué ou ont nourri votre imagination d’auteur ?

Naturellement, j’ai eu recours à des ouvrages spécialisés pour être cohérent avec l’époque et ce que l’on sait d’elle. Mais parfois, les difficultés sont inattendues. Exemple : comment parler du temps qui passe lorsque les calendriers n’existent pas. Peut-on parler d’année ? Et les chameaux, et les chevaux ? Et les distances ? On ne parle pas de mètres, ni même de chemin de sabbat ? Que connaissaient les patriarches d’Adam, d’Ève, de Noé ou de Babel ? Les scribes n’ont encore rien à recopier !

Au-delà de ces difficultés qu’il faut contourner ou résoudre comme on peut, il y a aussi des choses que j’ai voulu désapprendre. Exemple : si entre Sarah la femme d’Abraham et Agar, la mère porteuse, il y a eu de vives tensions, j’ai décidé qu’il n’y en aurait pas entre Ismaël, le fils d’Agar, et Isaac, le fils de Sarah. J’ai même établi une complicité entre eux, une démarche que le texte biblique m’a beaucoup aidé à développer. Alors que les deux hommes sont séparés depuis longtemps à cause des mères, ils se retrouvent ensemble à la mort de leur père commun.

8. La foi, l’exil, la transmission, la promesse… Les thèmes que vous explorez sont universels. En quoi écrire sur ces personnages anciens vous a-t-il interrogé ou rejoint dans votre propre regard sur le monde d’aujourd’hui ?

Ce qui m’est apparu une vérité terrible dont la violence reste vive aujourd’hui, c’est la situation de cette famille descendante de Térah, et qui va devenir Israël. Lorsqu’Abraham arrive en Canaan, une terre que Dieu lui promet, le texte biblique indique qu’il y avait déjà des Cananéens sur place. N’est-ce pas une situation vouée aux problèmes ? J’ai souhaité insister sur cette dimension avec un Abraham, mais aussi un Isaac qui se présentent toujours aux habitants sur place comme des nomades, des gens sans terre, des migrants. Des migrants qui parfois, sur la pression de circonstances économiques, voire écologiques, vont chercher secours ailleurs. Et une parole tombe (de la bouche de pharaon) : « Va-t-en, ce pays n’est pas le tien ! » N’est-ce pas troublant que 4 000 ans plus tard, on en soit presque au même point ! Et cette parole dite à tous les migrants du monde qui cherchent refuge : va-t-en !

9. Au fil de la trilogie, avez-vous créé des personnages ou des scènes qui ne figurent pas dans le texte biblique, mais qui vous semblaient nécessaires pour enrichir le récit ou mieux comprendre les enjeux des patriarches ?

Je n’ai pas la prétention d’enrichir le texte ! Je me permets juste de l’expliquer et de pointer certaines vérités qui risquent de nous échapper. Il est parfois nécessaire d’apporter de l’incarnation à des personnages qui, avec le temps et un peu de théologie, ont été réduites à l’état de figures. C’est là où accorder de la place à la psychologie des personnages est essentiel. Quand Isaac voit son père près à le sacrifier, avec un couteau au-dessus de lui, n’est-ce pas traumatisant ? Car Isaac ne connaît pas la fin de l’histoire ! Et si Abraham avait la foi en son Dieu, Isaac, lui, n’avait jamais entendu cette voix. Pour que la soumission d’Isaac soit possible, voire acceptable, je me suis permis une liberté (que le lecteur découvrira). Depuis, j’espère que c’est comme cela que la chose s’est produite. Cependant, le texte n’en dit rien ! J’ajoute prendre nettement moins de liberté avec le texte biblique que ce que propose le midrash, là où parfois les commentateurs rabbiniques font de la haute voltige.

10. Pour terminer, auriez-vous un ou deux livres à conseiller à nos lecteurs – que ce soit des romans, des essais ou des ouvrages historiques – pour prolonger la réflexion ou la découverte de cette période et de ces figures fondatrices ?

Avant tout, si mes lecteurs retournent vers la Bible et relisent la Genèse pour vérifier mon récit, je serais heureux. J’ai lu et compulsé des dizaines d’ouvrages ; tous ne font pas des patriarches des personnages historiques fiables, comme je tente de le faire. Bien des pistes m’ont été utiles. J’ai bien aimé l’ouvrage « Abraham », vu par trois voix monothéistes, Émile Moatti, Pierre Rocalve et Muhammad Hamidullah (Centurion, collection « Le chêne de Mamré ») ; mais aussi de Jean-Guy Saint-Arnaud « Quitte ton pays ; l’aventure de la vie spirituelle » (Mediaspaul) ; ou « Leçons sur la Torah » de Léon Askénazi (Albin Michel) ; sans oublier l’incontournable « Histoire Biblique du Peuple d’Israël », de A. et R. Neher (Adrien Maisonneuve).

Merci à Éric Denimal d’avoir partagé avec nous les dessous de cette trilogie passionnante. À travers son regard d’écrivain, les patriarches quittent les pages anciennes pour redevenir des hommes de chair et de sang, aux prises avec les grandes questions de l’existence : la foi, la famille, l’héritage.

L’introduction, les questions et le mot de conclusion ont été élaborés avec l’assistance de ChatGPT.

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