Entretien avec Thomas Poëtte – Préparation au baptême
- Virginie Lutete
- 6 Mars 2024
1. Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Thomas Poëtte, je suis pasteur de la Fédération baptiste à Lyon depuis bientôt deux ans. Je suis marié et père de trois enfants. Je suis également délégué du CNEF départemental 69. Je fais partie de l’équipe enseignante de Compagnons de route, une association qui propose des formations à la spiritualité chrétienne et j’enseigne parfois au Bienenberg.
2. Pourquoi proposer ce guide pour la préparation au baptême ainsi que le manuel pour l’animateur ?
Ce qui m’a conduit à écrire ce canevas de préparation au baptême, c’est mon besoin personnel d’accompagner des jeunes et des moins jeunes vers le baptême chrétien professant. Dès mon stage pastoral il y a sept ans, j’ai récupéré des préparations au baptême de pasteurs de ma fédération et je faisais un mélange de plusieurs préparations sans en être vraiment satisfait. Lorsqu’en arrivant à Lyon j’ai dû accompagner plusieurs groupes à la préparation au baptême, je me suis dit qu’il serait intéressant de prendre le temps d’écrire les intitulés des sessions. Une fois, après avoir terminé avec un groupe, j’ai pris le temps d’écrire une table des matières sans les détails. Comme ça, pour le groupe suivant, j’avais déjà une idée du nombre de sessions, de leur sujet et de leur ordre. Je n’avais alors plus qu’à écrire chaque session avec ce nouveau groupe pour arriver à une préparation au baptême qui me convenait. En parallèle, j’en ai parlé avec plusieurs collègues qui faisaient le même constat que moi : ils faisaient tous quelque chose sans en être pleinement satisfait. En cherchant, je n’ai pas trouvé de livret existant et récent qui me convenait. Dans un premier temps, ce livret était juste pour mon usage personnel, mais en en parlant avec Christophe Paya d’Excelsis, ce dernier s’est dit intéressé de publier un projet de ce type. Avec Excelsis, le projet a été le livret à destination des participants. J’ai été inspiré par le travail du collectif Majestart avec L’Évangile.net qui est publié chez BLF avec plusieurs outils comme Le petit évangile de Jean, La grande histoire de Florent Varak, le livret des Sept signes, etc. Je me suis dit que ce serait sympa d’avoir un livret qu’on offre aux participants et que les gens vont avoir envie de garder.
En parallèle du livret participant, Les cahiers de l’École pastorale ont eu le projet de publier leur hors-série de l’année 2023 sur plusieurs propositions de préparations au baptême. Avec Erwan Cloarec et Christophe Paya, nous avons fait une visioconférence pour créer une synergie entre les deux projets. On s’est alors dit que ce serait intéressant d’avoir un livret pour l’animateur, car dans le livret du participant il n’y a jamais les réponses aux questions. Ça peut avoir deux faiblesses : la première c’est que je sais ce que j’entends quand je pose la question, mais une autre personne ne pourra peut-être pas comprendre où la question veut aller. Dans le manuel de l’animateur vous trouverez les réponses aux questions et ce vers quoi nous voulons amener le groupe. Le livret de l’animateur est aussi une aide pour les personnes qui accompagnent au baptême et qui ne sont pas forcément le pasteur et/ou formées théologiquement. L’objectif du livret de l’animateur n’est pas que celui-ci enseigne les réponses aux questions, mais ça lui donne un coup d’avance pour animer les échanges et partager la parole avec les différents participants. Ce hors-série comprend le même contenu que le livret du participant avec une mise en page différente. En plus vous y trouverez les réponses aux questions ainsi que des articles complémentaires écrits par d’autres auteurs autour de la question du baptême. On a par exemple une exégèse de 1 Pierre 3 par Timothée Minard, qui est un des textes fondamentaux sur le baptême dans le Nouveau Testament, un article plus dogmatique de Thierry Huser sur les différentes conceptions du baptême, une proposition de canevas d’un culte avec baptême, etc.
Des personnes qui sont déjà à l’aise avec la préparation au baptême et qui ont de bonnes connaissances bibliques et théologiques, peuvent animer un groupe de préparation avec juste le manuel du participant. Chacun est libre de l’adapter, d’adapter les questions, le nombre de sessions, etc. Le but n’est pas que ce soit un outil rigide mais adaptable aux besoins.
3. Vous dites être pasteur de la Fédération baptiste. L’outil est-il pour la Fédération baptiste, ou est-ce qu’il peut être employé par d’autres dénominations ?
Je pense que ça serait aux pasteurs de ces Églises de me le dire et j’aimerais avoir aussi leur retour. J’espère que ce manuel est utilisable bien plus largement que par ma fédération d’Églises baptistes ; je pense qu’il l’est. Je pense qu’il est facilement utilisable, en tout cas c’est l’objectif, par des Églises qui ont une théologie de professant, c’est-à-dire que l’Église est la communauté des croyants et que le baptême est pour ceux qui professent leur foi. Ça serait intéressant de voir si ça convient aussi à certains réformés qui accompagnent vers le baptême des personnes déjà croyantes.
4. Ces deux ouvrages sont-ils pour un accompagnement individuel ou collectif ?
L’outil permet les deux. Un accompagnement en binôme entre un accompagnateur et un accompagné est possible, mais ma préférence personnelle est de faire des groupes, car l’outil est très participatif. S’il n’y a qu’une des deux personnes qui chemine vers le baptême, l’aspect participatif sera plus difficile à mettre en place. Si on a un groupe entre trois et huit personnes, c’est plus facile de les faire discuter sur le texte biblique et de les faire cheminer dans leur propre compréhension.
5. Pourquoi est-il nécessaire de faire une préparation au baptême ?
Ce qu’on entend par préparation au baptême, c’est comme une préparation au mariage, ce n’est pas juste la préparation au jour J, mais on prépare à ce qui le suivra. J’ai pensé cette préparation au baptême de la même manière. Il y a une session sur les neuf consacrée au baptême en tant que tel et à son sens. Pour le reste ça prépare à la vie de disciple qui commence avant le baptême. En fait, la préparation au baptême c’est du discipulat, c’est préparer la personne à sa vie de disciple avec des bases assez solides.
Il y aura quelques éléments de base de doctrine qui seront posés, mais aussi des éléments plus pratiques comme apprendre à lire la Parole, prier, apprendre l’importance de l’Église, du service, du témoignage dans le monde, etc.
6. Est-ce que ce manuel s’adresse davantage à des personnes avec un arrière-plan chrétien (enfants de croyants, par exemple) ou des personnes nouvellement converties d’un autre arrière-plan ?
Il me semble que l’outil présuppose une connaissance de base, au moins de l’Évangile, même si la première session est consacrée à définir ce qu’est l’Évangile. Mais elle est davantage là pour s’assurer que la personne a bien compris ce qu’est l’Évangile. Cette connaissance, la personne a pu l’acquérir de deux manières : soit parce qu’elle est enfant de croyant et a grandi dans l’Église et notamment à l’école du dimanche ; soit parce qu’elle a suivi un autre parcours avant celui de la préparation au baptême, comme celui que nous proposons dans notre pratique ici à l’Église baptiste de Lyon, avec la lecture et l’étude du livre de Florent Varak, La grande histoire. Pour moi, c’est important que les candidats au baptême aient ces connaissances de base développées dans ce livret avant de commencer la préparation au baptême.
7. Avez-vous deux ou trois ouvrages qui vous ont édifié dernièrement à partager avec nos lecteurs ?
Le premier ouvrage que j’aimerais proposer pourrait être une suite à ma préparation au baptême, pour une formation plus doctrinale : Daniel Treier, Introduction à la théologie évangélique. C’est un livre assez gros, mais pour un ouvrage théologique, il ne l’est pas tant que cela. Ça reste une introduction, mais ce que j’apprécie, c’est la capacité de l’auteur à nous présenter les doctrines chrétiennes de base sous un angle évangélique au sens large et les différents débats qu’il y a même dans le monde évangélique sur certaines questions. Le livre est structuré autour du Symbole de Nicée-Constantinople, cette vieille confession de foi, qui est récité dans certaines Églises et malheureusement peu dans le monde évangélique. Sur un plan dogmatique et doctrinal, c’est vraiment un ouvrage que je recommande.
Plus sur un plan spirituel et d’édification, je conseillerais le livre de Peter Scazzero, Devenir un disciple émotionnellement sain. On pourrait se demander si l’auteur n’est pas en train de nous resservir son concept de spiritualité émotionnellement saine, mais il me semble que ce livre apporte un vrai plus par rapport à ses précédents. Je pense que ça fait vingt ans que Scazzero travaille sur ce sujet et on voit qu’il chemine. Il y a donc des choses nouvelles dans ce livre, je note en particulier une chose que j’ai appréciée : la manière dont l’auteur relève quatre failles dans notre culture évangélique contemporaine qui entrave la vie de disciple. Je pense qu’on pourrait débattre sur la manière de dire les choses, mais les quatre failles qu’il nomme sont assez intéressantes. La première, c’est qu’on tolère dans nos Églises l’immaturité émotionnelle. On est en recherche de compétences techniques, parfois aussi bibliques et théologiques, sans prendre garde à la maturité émotionnelle et relationnelle des personnes qu’on place dans les services. La deuxième faille, même si je ne l’intitulerais pas comme ça, est qu’on privilégie « le faire pour Dieu », plutôt que « l’être pour Dieu ». La troisième est qu’on ne fait aucun cas des trésors de l’Église. C’est celle qui me semble la plus intéressante, surtout pour nous évangéliques qui prenons en considération l’Église primitive puis les Églises issues des réveils et parfois de la Réforme, mais pas toute l’histoire de l’Église. La quatrième faille est que nous avons une mauvaise définition de la réussite souvent influencée par le monde de l’entreprise. Ces quatre failles ne se trouvent pas dans les précédents livres de Scazzero.
Le dernier livre que je recommande qui m’a profondément marqué à titre personnel et j’ose pour celui-ci sortir du milieu évangélique. Il s’agit du livre de Pascal Ide de la communauté de l’Emmanuel titulaire d’un triple doctorat en psychologie, philosophie et théologie, intitulé Le burn out. Une maladie du don. C’est une thématique d’actualité, presque à la mode, mais qui est un vrai fléau et c’est bien qu’on puisse en parler. Je le conseille car j’apprécie particulièrement la manière dont il définit le burn-out, ce qu’il dit pour la prévention et pour ensuite la guérison. En quelques mots, il considère que le burn-out est une maladie du don, et à la suite de la Tradition, il définit le don comme un mouvement tertiaire. Il y a d’abord l’idée de recevoir, ensuite de s’approprier et enfin de donner soi-même. Ide dit qu’on considère souvent que le burn-out c’est un trop-donné, mais parfois ce qu’il y a à travailler ce n’est pas de donner moins mais de recevoir plus ou de s’approprier plus à travers différentes choses qu’il développe dans le livre. J’ai l’impression que depuis la Covid-19 et pour prévenir le burn-out on est dans une logique de préservation de soi, or l’Évangile nous appelle à nous donner nous-mêmes à la suite de Christ. Comment alors articuler les deux ? Comment répondre à l’appel de Christ à donner sans nous épuiser ? Pascal Ide nous montre comment nous donner nous-mêmes sans nous brûler et je trouve que c’est un livre réellement marquant.